Wednesday, April 29, 2009

Traite et Trafic de personnes / "Des fortunes construites grâce à la complicité de décideurs"



Préparé à l’intention des 19 policiers de la Brigade de protection des mineurs (BPM), ce séminaire, réalisé en partenariat avec l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM), l’USAID, la Fondation panaméricaine de développement (PADF), l’ambassade des États-Unis et le gouvernement canadien, participe de cet « effort de sensibiliser la population haïtienne en général et le gouvernement en particulier sur l’importance à accorder à cette forme d’esclavage moderne qu’est la traite des personnes, communément appelé en Haïti Restavèk ».


La BPM a été implantée en 2002 au sein de la Direction centrale de la police judiciaire grâce au concours de l’Unicef. Sa mission est d’assurer « la prévention des infractions commises par les mineurs et la protection des mineurs en conflits avec la loi, la prévention et la répression des crimes et délits perpétrés contre les mineurs et toutes les formes de violences intra-familiales impliquant les enfants ».


Inexistence de mécanismes de contrôle


À l’ouverture du séminaire, jeudi, le directeur général de la police judiciaire (DCPJ), le commissaire Michaël Lucius, a révélé que « les groupes criminels transnationaux ont tissé des réseaux internationaux de grande envergure et enregistré des profits considérables. Des fortunes se sont construites sur le trafic illicite de stupéfiants, sur le commerce illégal d’armes et de munitions, sur la traite d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants et, de manière générale, sur des fraudes réalisées à un niveau international. »

« De tels faits sont parfois accomplis avec la complicité de décideurs, de responsables publics et de chefs d’entreprises qui se laissent corrompre. Néanmoins, il convient de faire remarquer que l’absence de structures de contrôle fait de certains États l’apanage de bandits de tout acabit », a ajouté le commissaire.

Les mineurs : « pierre angulaire des groupes armés »

Plus loin, Michaël Lucius a indiqué plusieurs paramètres permettant de cerner la traite des êtres humains en Haïti, particulièrement celle des mineurs. Il s’agit du recrutement des mineurs au sein des groupes criminels tant au niveau des activités de kidnapping que dans les conflits armés, sans oublier leur utilisation à des fins économiques et sexuelles. « Aucun gang spécialisé n’opère sans la présence d’un ou plusieurs mineurs chargés de surveiller les personnes séquestrées, de recevoir les rançons ou de jouer le rôle d’éclaireurs (antennes) », précise le directeur de la DCPJ.

Au cours des deux dernières années, rapporte-t-il, les mineurs ont été la pierre angulaire sur laquelle reposaient les groupes armés, particulièrement dans les quartiers réputés chauds. « Assurer l’acquisition des armes et leur transport dans leurs sacs d’école, servir d’éclaireur et participer aux cas de meurtres ou d’assassinats de policiers nationaux », ont généralement constitué leurs principales tâches.

Le principal responsable de la Direction centrale de la police judiciaire a cité en exemple les cas de Jeff Kedley Myrtil, Saint-Louis Tinazon, Saint-Jules Jhonny et Baguidy Michelet, tous des jeunes de 15 à 16 ans, enrôlés dans des gangs armés à Cité Soleil. Auditionnés par la DCPJ, ces derniers ont fait le récit, avec détails à l’appui, de leur intégration et évolution au sein des gangs.

Le jeune Myrtil (15 ans) a été conduit au commissariat des Gonaïves par sa mère le 16 janvier dernier après avoir proféré des menaces de mort à son encontre. Transféré une semaine plus tard, soit le 24 janvier, à la DCPJ, il a révélé avoir été formé aux maniements des armes de tous calibres et a évoqué les circonstances dans lesquelles il a donné la mort à trois agents de la Police nationale. Selon le commissaire Lucius, les mineurs se regroupent au niveau de deux associations au Bel-Air : « Lame boutèy et Lame dife ». La première, qui annonçait le déploiement de « lame rat » (qui est celle des adultes), assurait l’avant-garde en lançant des bouteilles dans toutes les directions. La seconde, elle, mettait le feu ou tirait sur tout ce qui bougeait après le passage de l’armée des adultes.

Toutefois, Michaël Lucius a voulu porter une attention particulière sur la prolifération des centres d’accueil, l’une des principales causes de ce phénomène. « Les mineurs de sexe féminin sont prématurément exploités à des fins sexuelles par ceux-là même qu’elles considèrent comme leurs pères spirituels et des adultes prêtant leurs services à ces centres ou foyers. » Incidence : renforcement de groupes de jeunes délinquants qui se transformeront en association de malfaiteurs.

Le cas des femmes

Cette autre catégorie, vulnérable de la société, a elle aussi fait l’objet de certaines révélations du commissaire qui a indiqué que « chez nous, l’abus sexuel contre les femmes n’est pas suffisamment pris en compte par les instances concernées puisque les mécanismes de contrôle demeurent inexistants ». Michaël Lucius ajoute qu’ « aucune statistique sérieuse ne peut être établie en référence au nombre de femmes de ménages et d’étrangères se prostituant dans les boites de nuit… L’exploitation sexuelle des femmes de ménage ou servantes, est monnaie courante. »


Dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains, le commissaire Lucius projette de placer la Brigade au même niveau que les autres entités de la DCPJ. Cela, après l’adoption d'un texte de loi régissant la matière. Cependant, le directeur de la DCPJ, affichant son désaccord avec l’expression « protection des mineurs », souhaite la transformation du BPM en Bureau de lutte contre la traite des humains (BLTH). Un projet d’adoption de nouvelles directives sera soumis au directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH).


Actuellement, des travaux d’agrandissement et de réaménagement des locaux, grâce au support de la PADF, sont en cours. Pour sa part, le responsable de la Brigade, le commissaire Rénel Costumé, a déclaré que « faute de moyens, notamment l’absence de loi aux fins de la criminalisation de la traite des êtres humains, les activités de la BPM se concentrent davantage sur la zone métropolitaine ».


Après un an à la tête de la Brigade de protection des mineurs, M. Costumé dit reconnaître que le bilan n’est pas satisfaisant en raison des contraintes auxquelles font face l’entité et l’énormité de la tâche à accomplir. « Prochainement, nos équipes seront présentes dans d’autres régions importantes du pays », promet-il.


Par ailleurs, selon une étude réalisée en 2002, plus de 173 000 enfants seraient placés en domesticité en Haïti. La situation étant complexe, les responsables de l’OEA et du gouvernement n’ont donné aucun chiffre quant à l’évolution du système «restavèk » dans le pays actuellement.



Lundi 3 juillet 2006

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