Wednesday, April 29, 2009

INSTITUTIONS / Mario Andrésol : « La PNH est encore aujourd’hui en construction… »



Le directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), Mario Andrésol, a accordé une interview exclusive au Matin, le 20 mars dernier. Répondant à nos questions dans son bureau situé dans les hauteurs de Pacot, le chef de la Police a rappelé l’origine du phénomène de kidnapping qui ronge la société haïtienne. Il a insisté sur l’implication de tous les secteurs pour enrayer ce mal. Les ressources humaines de la Police nationale, le processus d’épuration, l’état des rapports entre la Police et la Mission onusienne ainsi le que le rôle du parquet de Port-au-Prince ont été également abordés au cours de l’entrevue dont la première partie est publiée dans notre édition du 28 au 30 mars.



Le Matin : Quel bilan faites-vous de votre travail à la tête de la PNH ?


Mario Andresol : Il y a eu des progrès considérables depuis 2005. Malheureusement, la PNH est une institution encore en construction. Diverses interférences causées par des troubles politiques ont retardé son développement. Le changement auquel nous aspirons ne peut être obtenu du jour au lendemain. Au niveau interne, des mécanismes de contrôle ont été instaurés afin d’identifier rapidement les policiers ripoux qui ternissent l’image de l’institution. Environ 1 960 citoyens et citoyennes ont intégré les rangs de l’institution depuis septembre 2005. De juillet 2005 à mars 2008, environ 515 policiers ont été renvoyés pour diverses causes et 84, jusqu’à ce 20 mars, sont en instance de révocation. Mais, il y a tellement de problèmes dans la structure qu’il s’avère difficile d’avancer à grands pas. Néanmoins, des efforts considérables qui vont dans le sens du changement espéré ont été réalisés.


Quel est l’état d’esprit du haut commandement ?


À ce niveau, il n’y a aucun problème. Nous sommes animés de bonne volonté et jusqu’à présent nous sommes restés cohérents dans nos dires et dans nos actions.


Quel est l’état des rapports entre la PNH et la Justice, particulièrement avec le parquet de Port-au-Prince ?


Permettez-moi de ne pas élaborer sur cette question. Ma position, vous la connaissez déjà. Je ne voudrais pas alimenter ici une quelconque polémique. Le problème ne se situe pas au niveau des institutions, mais plutôt au niveau des hommes, ou d’un homme. La Police a son rôle, la justice a la sienne. Qu’il en soit ainsi.


Et avec la Mission des Nations unies (Minustah) ?


Les relations se sont améliorées entre les casques bleus et les agents de la PNH. Il y a eu une certaine méfiance dans le temps. Aujourd’hui, tout va pour le mieux.


Où en est-on avec la question du « vetting » ?


Le processus est en cours. Les enquêteurs ont déjà été à Jérémie (Grand’Anse), aux Cayes (Sud), à Jacmel (Sud-Est) et, actuellement, ils sont à la fois dans les Nippes et à la DCPJ. Plus de 2 500 dossiers sont actuellement en phase de finition, mais il ne faut pas confondre le processus de vetting avec les mesures administratives internes qui relèvent, entre autres, de la mission de l’Inspection générale de la Police (IGPNH). Les policiers qui ont violé les règlements de l’institution et contre qui des plaintes ont été portées continuent d’être sanctionnés par l’IGPNH.


Ces sanctions peuvent aller jusqu’à la révocation.Le processus de « vetting » indiqué plus haut est dirigé par l’IGPNH et la Minustah. Casier judiciaire, niveau d’études, compte bancaire, avoirs, aptitude professionnelle, enquêtes de voisinage, …etc. rien n’est négligé. C’est un long processus qui, une fois arrivé à terme, permettra au gouvernement et au Haut Commandement de statuer définitivement sur le cas de certains policiers. Certains seront renvoyés définitivement. D’autres pourront retourner à l’Académie pour être recyclés.


On reproche souvent une certaine lenteur dans les enquêtes de l’IGPNH ?


Dans le temps l’Inspection générale fonctionnait à plein rendement. Aujourd’hui, c’est le contraire. Elle arrive, tant bien que mal, à donner des résultats. L’inspecteur général en chef, [Fritz Jean] fait de son mieux. Depuis qu’il est en poste, l’Inspection générale de la Police a déjà reçu plus de 2 000 dossiers de doléances et de plaintes contre les membres de la PNH, dossiers sur lesquels travaille son équipe. Pour faire le boulot à temps et à bien, cela demande des ressources qualifiées.


Est-ce à dire qu’il existe un problème à ce niveau ?


En effet, à la Police nationale d’Haïti, il y a un sérieux problème de ressources humaines. Nous avons une école de police qui forme uniquement les hommes de troupes, et pas d’académie de police pour former les cadres intermédiaires. Or, au cours des trois dernières années, près de 2 000 hommes de troupes sont sortis de l’école. Les cadres pour les diriger sont sélectionnés après concours à l’interne. La gestion de l’urgence au quotidien et l’incapacité structurelle de l’école pour recevoir simultanément deux groupes différents de cadets font que ces cadres ne passent que 6 mois en formation avant d’être commissionnés inspecteurs de police. Je vous ai signalé tout au début que, malheureusement, après douze années d’existence, la PNH est encore aujourd’hui en construction. Souffrez de la comparaison avec une autre institution qui avait son académie et son camp d’application, bien que la formation soit différente ; on peut sentir la différence même d’un point de vue strictement disciplinaire. Cela va donc sans dire qu’une structure de contrôle comme l’Inspection générale demande des ressources qualifiées, formées à cet effet.


Quelle évaluation faites-vous de la Brigade d’intervention motorisée (Bim)?


Au départ, l’idée était de maximiser la présence de la police dans les zones dites de « non droit » et dans les bidonvilles qui environnent la capitale. Car, après que Belony, Évens et autres chefs de gangs eurent été écroués, ces zones étaient livrées à elles-mêmes. Il était à craindre que d’autres individus surgissent et s’autoproclament chefs de ces zones. C’est ainsi qu’a été créée le CBIM (Corps des Brigades d’intervention motorisées) dont la mission était essentiellement basée sur la police de proximité ou police communautaire.


Le CBIM peut être donc vu comme un élément de prévention dans la lutte contre le kidnapping et la criminalité en général. Mais, au lendemain de leur intégration, soit le 7 novembre 2007, il a été observé une nette recrudescence des cas de kidnapping et de banditisme dans l’aire métropolitaine. Cette recrudescence est due en grande partie à la libération de bandits notoires pour cause de détention préventive prolongée alors que certains de ces bandits libérés ont été pour la plupart arrêtés au cours de l’année 2007. Remarquez qu’après chaque libération de ce genre, il y a une remontée de l’insécurité. Mais on oublie vite que ces bandits libérés avaient été déjà arrêtés par la police et que, lorsqu’ils étaient en prison, les cas de kidnappings étaient en nette régression. C’était juste une petite parenthèse, ou plutôt …des points sur des « i ». Des points qui vont faire fulminer de rage les contempteurs de la PNH, nos Docteurs es Sécurité pourfendeurs de Mario Andresol, voire ceux qui n’ont rien en tête sinon que d’exercer une certaine chefferie.


Revenons au CBIM, cet élément de prévention dans la lutte contre le kidnapping qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas encore été déployé comme prévu, gestion des urgences oblige. La recrudescence des cas de kidnappings a fait que les éléments de ce corps ont été utilisés à d’autres fins. Primo pour les fêtes de fin d’année, secundo pour la période du carnaval. Aujourd’hui, ils sont à l’œuvre dans diverses artères de la capitale. Sous peu, ils rempliront leur mission première. Je me garderai ici de développer intégralement le « concept CBIM »


Lundi 31 mars 2008

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