Sunday, May 10, 2009

Sécurité/Justice et paix publie son rapport trimestriel (Janvier-mars 2009)


Le 30ème rapport de la Commission Justice et Paix fait état d'une nette augmentation de la violence dans la région métropolitaine de Port-au-Prince où, sur 185 victimes de violence repertoriées entre janvier et mars 2009, 81 (43 , 78 %) ont été tuées par balles, 19 (10, 27 %) par armes blanches et 27 ( 14, 59 %) dans le cadre d'accidents de voitures .

Sans avoir touché la plaie que représente le phénomène du kidnapping, ou du moins n'a pu trouver des informations y relatives, Justice et Paix a une fois de plus insisté que La Saline, Cité-soleil, Grande Ravine et Martissant restent et demeurent des zones extrêmement dangereuses en raison de la circulation fluide des armes et les mesures inappropriées des autorités. Quoique ces dernières, souligne le rapport sans détail aucun, ont "entrepris des efforts dans les quartiers populaires qui permettent au pays de faire un pas". "Ces efforts" , reconnait la commission, sont méconnus par la grande société.

Des recommandations ont été une nouvelle fois formulées aux autorités compétentes pour une meilleure coordination de la chaine pénale, un meileur traitement des personnes en détention, la mise en place d'une politique sécuritaire (sécurité physique, sécurité alimentaire, sécurité écologique, sécurité judiciaire, sécurité urbaine...)...

Pour Justice et Paix: "La sécurité ne devrait être [le] résultat d’une approche répressive en premier lieu. Les autorités doivent créer un climat où règne le respect des droits fondamentaux des personnes, où règne la justice sociale, où les gens peuvent espérer un demain meilleur pour tous et pour toutes."

Pour mieux informé nos lecteurs et lectrices, nous publions ci-dessous les grandes lignes dudit rapport. Nous espérons que le prochain document insistera sur l'efficacité ou non des actions entreprises par les autorités policières et judiciaires en terme de résultats attendus et objectifs établis.



Pour la période Janvier à mars 2009: 185 victimes


Janvier 2009: 66 victimes .-9 femmes, 2 enfants.- 10 victimes non-identifiées .- 27 morts par balle.- 1 mort par balle de la police / Minustah.- 1 mort dans le cadre d'affrontement gang avec police / Minustah .- 1 mort lors d’affrontement entre gangs .- 23 morts par balle d'inconnus .- 1 mort par suicide .- 2 morts par arme blanche.- 1 mort relatif à l'environnement .- 29 morts pour autres causes .- 1 mort pour accusation de vol.


Par zone .- 3 morts à Bel Air, Delmas 2 et 4, Fort National, Solino .- 4 à La Saline, Cité Soleil, Cité militaire .- 3 à Carrefour .- 2 à Martissant et de Grande Ravine .- 3 à Delmas et Pétion-Ville et 11 dans des zones inconnues (repertoriés à l'hôpital général).


Février 2009 : 46 victimes.-1 policier .-8 femmes, 1 enfant .- 6 victimes non-identifiées .- 20 morts par balle .- 4 morts par balle par de gangs .-16 morts par balle d’inconnus .- 6 morts par arme blanche .- 8 par accidents .- 1 relatif à l'environnement .- 1 pour accusation de vol .- 7 pour autres causes.

Par zone .- 4 à Bel Air, Delmas 2 et 4, Fort National, Solino .- 2 à La Saline, Cité Soleil, Cité militaire .- 4 à Carrefour .- 1 à Martissant et de Grande Ravine .- 1 à Delmas et Pétion-Ville .- 5 dans des zones inconnues (Hôpital général) .- 2 pour accusation de vol .-


Mars 2009 .- 73 victimes .- 9 femmes, 3 enfants .- 26 victimes non-identifiées .- 34 morts par balle .-1 morts par balle de la police / Minustah .- 6 morts par balle par de gangs .- 27 morts par balle d’inconnus .- 11 morts par arme blanche .- 8 morts accidentels.-1 relatif à l'environnement .- 19 pour autres causes .- 8 pour pour accusation de vol.

Par zone .- 3 à Bel Air, Delmas 2 et 4, Fort National, Solino .- 14 à La Saline, Cité Soleil, Cité militaire .- 13 à Martissant et Grande Ravine .- 6 entre Route de Delmas et Pétion-Ville .- 14 dans des zones inconnues (Hôpital général)


Pendant ces 3 mois, dans la zone métropolitaine, nous avons constaté :

· Au moins 81 personnes sont mortes par balle ; elles étaient 54 dans la période précédente. 19 personnes sont mortes par arme blanche ; contre 9 pour la période précédente. 27 sont mortes victimes d’accidents (de voiture surtout) ; contre 25 pour la période précédente. Cela signifie, la violence des armes a augmenté. Surtout dans les quartiers de La Saline et Cité Soleil, et dans la zone de Grande Ravine et Martissant.


· Parmi les victimes figurent 26 femmes adultes et au moins 6 enfants (garçons et filles).
· Pour 30 victimes nous ne savons pas le lieu où elles sont tombées ; ces données manquent dans les archives de la morgue de la HEUH. De la même façon, les procès verbaux dressés par le juge de paix manquent d’indications permettant à identifier la cause de la mort dans 55 cas.

Quelques considérations sur les 3 mois

1-La prolifération des armes de poing reste une menace. La violence armée dans le pays pourrait facilement faire surface dans le pays, depuis qu’on relâche un peu l’approche répressive, parce les armes illégales n’ont jamais été confisquées, ensuite, les armes en usage ne sont pas enregistrées correctement. Ceci est du devoir des autorités.


2-La sécurité ne devrait être résultat d’une approche répressive en premier lieu. Le rôle des autorités est de créer un climat où règne le respect des droits fondamentaux des personnes, où règne la justice sociale, où les gens peuvent espérer un demain meilleur pour tous et pour toutes.


3- À l’approche d’une nouvelle saison cyclonique, nous répétons ce qui a écrit dans le rapport précédent. Dans le pays, il n’y a pas de sécurité écologique, pas de sécurité quand on regarde la façon qu’on construit les édifices dans ou près des ravines, sur les pentes, dans les canaux, etc. Il manque une politique de l’Etat dans ce domaine ; et le peu qui existerait ne sert à rien ou est inconnu de la population. Où sont les mesures qui préparent la saison cyclonique qui s’annonce ?


Violence et détention

Nous voulons attirer votre attention sur les conditions de détention dans les prisons, qui sont des situations de violence. Les conditions de vie sont inhumaines. Y manque de l’espace, des infrastructures, de l’eau, même un lit pour se coucher fait défaut. Au moment d’écrire ce rapport, le pénitencier national contient près de 4.000 détenus et prisonniers. Chaque détenu ne dispose même pas de 0,5 mètre carré d’espace vitale.


Qui peut vivre dans des conditions de vie semblables ? Les prisons sont des écoles de délinquance et constituent un danger pour la société. Pourquoi les autorités du pays refusent d’adresser la question ? Serait-ce vraiment impossible pour l’Etat d’occuper convenablement ces 8.000 citoyens et citoyennes qui sont sous sa responsabilité directe en détention ?

Nous dénonçons le manque de conscience humaine d’un nombre de juges qui reçoivent un dossier pénal et qui ensuite partent à l’étranger pour raison d’étude ; d’autres arrivent en retard dans leurs bureaux ; d’autres encore ont tellement d’occupations différentes qu’ils ne sont même pas en mesure d’occuper les dossiers qui leurs sont confiés. Où est la volonté politique des autorités pour remédier à ces situations ?

À l’occasion de ce rapport, nous rendons public les recommandations faites par la Commission aux autorités de l’État au mois d’avril 2009 par rapport à la détention prolongée et la condition de vie des détenus.

A la Direction Générale de la Police Nationale (DGPNH)

Nous demandons qu’elle intervienne ou demande des interventions au niveau des commissariats ou sous-commissariats (milieu des gardes à vues) pour les électrifier, alimenter en eau potable pour mieux accueillir et loger les membres de la PNH comme les personnes retenues;
Qu’elle pousse les policiers à respecter le délai du garde-à-vue;
Qu’elle forme les policiers à qualifier correctement les infractions. Les rapports de police doivent être bien faits pour éviter des ennuis ultérieurs aux personnes arrêtées.


Aux parquets

Qu’ils appliquent et fassent appliquer l’art 447 du C.I.C qui fait injonction aux magistrats de visiter une fois par mois les centres de détentions qui dépendent de leurs juridictions;
Qu’ils veillent à ce que les ordonnances ou décisions judiciaires soient exécutées dans des délais raisonnables;
Qu’ils vérifient s’il n’y ait pas des ordonnances qui ne sont pas exécutées en faveur de certains détenus;


Qu’ils libèrent les voies de recours en habeas corpus dans le souci de combattre la question de détention préventive prolongée, comme prévu par la Constitution (article 26-2);
Qu’ils prennent des mesures pour que la détention préventive ne dépasse en aucun cas le temps que coûterait une condamnation (pour voie de fait simple par exemple).

Au Ministère de la Justice

Qu’il invite et oblige les policiers à respecter le délai de la garde-à-vue;
Qu’il invite les juges de paix à faire les informations préliminaires sans tarder et à temps lorsque les infractions ne relèvent pas de leurs compétences;
Qu’il prenne les mesures pour décongestionner les centres de détentions afin d’éviter le surpeuplement carcéral;

Qu’il organise plus de centre de détention au profit des prisonniers pour permettre une meilleure gestion des espaces pénitentiaires;
Qu’il prenne des mesures pour extirper la corruption qui ronge le système judiciaire ; qu’il fixe les tarifs judiciaires et les modalités de paiement si les citoyens sont tenus à payer des frais.
Qu’il assure de meilleures conditions de vie en détention : comme des soins de santé adéquats, eau, nourriture convenable, des lits pour dormir, etc.

Aux doyens et aux juges

Qu’ils fixent des horaires de travail aux cabinets d’instruction et qu’ils procèdent par roulement pour les juges d’instruction par souci de voir plus de dossiers traités dans des délais plus courts.
Veiller à l’exécution prompte des décisions de justice ; prendre des sanctions contre des retards non justifiés ou des actions d’obstruction au niveau des greffes ou des services des huissiers.
Augmenter le nombre des juges d’instruction pour faciliter un meilleur traitement des dossiers dans les délais impartis par la loi.

Aux responsables des conditions générales de la détention

Qu’ils augmentent le nombre d’agents pénitenciers au niveau des centres de détention, surtout au niveau du Pénitencier National à Port-au-Prince;

Qu’ils renforcent la sécurité autour des centres de détention;
Qu’ils donnent plus de moyens aux agents Pénitentiaires pour alléger leur tâche surtout ceux qui travaillent le soir pour qu’ils ne recourent pas à des moyens forts au moment de tensions;
Qu’ils séparent les personnes condamnées des personnes en détentions ; qu’ils aménagent des espaces séparées pour mineurs des adultes, pour femmes et fillettes;

Qu’ils aménagent les centres de santé afin que chaque détenu puisse trouver des soins convenables en cas de maladie, ceci pour freiner la propagation de maladies infectieuses et le nombre de décès en détention;

Qu’ils donnent un traitement plus digne des dépouilles mortelles des détenus décédés en prison.
Enfin, qu’ils créent plus de loisir pour le besoin des prisonniers, pour éviter la frustration, la maladie et pour diminuer le nombre de décès parmi les détenus.


Les Commissions Justice et Paix de la zone de Port-au-Prince saluent encore une fois les efforts entrepris pour créer un climat de sécurité dans le pays, même si c’est avec beaucoup d’hésitations. Nous saluons surtout les efforts entrepris dans les quartiers populaires, des efforts souvent méconnus par la grande société, mais qui permettent au pays de faire un pas. Le chemin est encore long. La lutte contre la corruption et l’impunité, contre l’exclusion et la marginalisation, pour la justice et la vérité vient de commencer.




Pour le Comité Directeur de la Commission archidiocésaine et de la Commission nationale Justice et Paix.


Djimmps Gilles,
Secrétaire général Justice et Paix, Port-au-Prince

P. Jan Hanssens, Directeur national
Port-au-Prince, 30 avril avril 2009




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