Monday, May 4, 2009

EAU « POTABLE » EN SACHETS / L’État laisse faire…



Depuis quelques mois, une cinquantaine de camions d’une compagnie privée font le porte-à-porte, offrant au public de l’eau potable. Une innovation dans le secteur. D’un autre côté, le commerce de l’eau en sachet, tout en s’imposant sur le marché, constitue une gangrène pour l’environnent, en plus du danger sanitaire qu’il représente.


Il est 13 heures. Un petit garçon, dans la dizaine, un « bokit » sur la tête, crie : « Dlo goud ! Dlo goud ! Dlo goud ! ». Deux passants lui font signe de leur apporter deux sachets. D’un coup de dents incisif, ils en entaillent un des coins et en boivent le contenu d’un trait, poussant un ouf de soulagement.

À quelques mètres du centre commercial Délimart, la route de Delmas grouille d’activités. Ici et un peu partout à travers la capitale, le sachet d’eau se vend à une gourde alors qu’une bouteille en coûte quatorze fois plus. « Nous achetons le sachet à moins d’une gourde. Par jour, j’écoule plus d’une centaine », se plaît à raconter Ti Do, le petit vendeur. Comme lui, des dizaines de jeunes des deux sexes s’adonnent à ce type de commerce en raison de sa rentabilité. De nombreux opérateurs économiques ont fait le même choix.

Du formel à l’informel

Dans les corridors de la capitale, les fabriques artisanales d’eau en sachet se multiplient. Sans aucun contrôle des autorités sanitaires. On n’est plus au temps de la marchande de « dlo kreyòl glase », offerte dans un verre en « stainless » à 0,50 gourde dans nos marchés publics. Par-ci et par-là, aujourd’hui, les marchands de sachets d’eau agressent les citoyens de la ville.

Certains de ces produits sont fabriqués dans des usines bien équipées, respectant, selon leurs responsables, toutes les normes d’hygiène. D’autres se réalisent dans des arrière-cours de maisons aux apparences douteuses ou sur des propriétés isolées pour échapper à tout contrôle. En Plaine, l’Industrie locale compagnie (Indloco) produit environ 300 000 gallons d’eau par jour. La boisson est tirée dans trois puits de 250 pieds chacun.

Depuis tantôt un an, l’Indloco a innové dans le secteur de l’approvisionnement en eau en plaçant sur le marché une cinquantaine de camions distributeurs. Une sorte d’alternative imposée aux clients qui « n’ont plus besoin de se déplacer pour s’approvisionner en eau [potable] », se félicite le patron de l’entreprise, Jean Léopold Sabbat. Dans son usine où une centaine d’employés sont remarqués, Jean Léopold Sabbat estime que « la qualité de l’eau est garantie. »

« Dans nos camions, nous procédons au changement des filtres chaque semaine. Dans l’usine, les membranes sont remplacées tous les ans », indique-t-il.

Une eau dangereuse !

« À Chancerelles, informe Jean Léopold Sabbat, des particuliers font la mise en sachets sans tenir compte du traitement de l’eau. Ils en achètent certaines fois à des compagnies d’eau de renom et se servent même de leurs logos ». Une entreprise mafieuse, dénonce-t-il. « Ce qui importe dans ce secteur informel, c’est les recettes. La qualité de l’eau importe peu », poursuit Jean Léopold Sabbat.

Dans son usine, la « case » (pour la mise en sachets) qui fonctionnait, il y a un an, ne sert plus à rien. Pour Alex Dupoux, un ancien fabricant de sachets d’eau, le coût de production est assez élevé avec « l’achat des sachets, l’importation des robots pour le remplissage, les camions pour la distribution ». Nous avons essayé en vain de contacter les responsables du ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC), de la Camep, de la Santé publique et même du Commerce pour recueillir leur point de vue sur ce commerce en vogue dans la capitale, lequel peut devenir, à la longue, un véritable problème de santé publique.

Selon des experts en hygiène de l’eau, « la majorité des sachets d’eau circulant dans les rues de Port-au-Prince ne sont pas potables ». Mais personne n’est en mesure de confirmer si les mesures d’hygiène requises sont respectées. Et les responsables publics, informés du sujet pour lequel l’interview était demandée, étaient tous en réunion. Entre-temps, l’État laisse faire

Des structures inefficaces disparaîtront
Au début de 2007, le ministère des Travaux publics, Transports et Communication (MTPTC) avait élaboré un avant-projet de loi cadre sur l’Organisation du secteur de l’eau potable et de l’Assainissement. Selon ce document, des structures comme la Centrale métropolitaine d’Eau potable (Camep), le Service national de l’Eau potable (Snep) et le Projet de postes communautaires d’hygiène et d’eau potable (Pochep), devaient disparaître au fur et à mesure de l’implantation des Offices régionaux d’Eau potable et d’Assainissement (Orepa). L’Unité de Réforme du secteur de l’Eau potable (Ursep) était aussi visée.


Vendredi 25 janvier 2008

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