Tuesday, June 16, 2020

Communiquer dès le plus jeune âge, pourquoi est-ce si important ?

Par UFAPEC
Ce qui crée les inégalités entre les êtres, ce ne sont pas les gènes, mais le milieu. Ainsi, si nous voulons réduire les inégalités éducatives, c'est sur les conditions environnementales qu'il faut porter toute notre attention. Nous pouvons clairement changer la donne pour de nombreux enfants, non pas uniquement en modifiant notre façon d'enseigner, mais en influençant très positivement le milieu au sein duquel ils évoluent - tant le milieu familial que scolaire. 

Céline Alvarez 

En 2018, la Belgique a participé aux enquêtes PISA (79 pays ou systèmes éducatifs participants). Elles évaluaient, lors de ce dernier cycle, la compréhension en lecture, les maths et les sciences avec un point d’attention particulier sur la lecture. La Fédération Wallonie-Bruxelles se classe pour la lecture en dessous (481 points) de la moyenne des pays de l’OCDE (487 points). De nombreux parents s’interrogent sur ces résultats. Leurs enfants sont-ils bien formés dans ces disciplines ? 

A côté de ce constat global, nous avons été interpellés par les actions en faveur d’une meilleure acquisition du langage et ce dès le plus jeune âge d’une équipe enseignante à la suite d’une baisse de résultats de leurs élèves au CEB. Selon ces enseignants, cette baisse de niveau au CEB était principalement due à une mauvaise lecture et compréhension des consignes. Ils ont donc décidé de se mobiliser pour développer les aptitudes langagières de leurs élèves et ce dès leur arrivée en classe d'accueil. La puéricultrice en charge de la classe d’accueil depuis une quinzaine d’années explique cette baisse du niveau de langage des enfants qui font leur première rentrée à l’école par divers facteurs, dont la diminution des interactions verbales dans les familles. Plusieurs études scientifiques dénoncent d’ailleurs la mainmise des smartphones sur les interactions parents-enfants et ce dès le plus jeune âge. Les adolescents se plaignent du manque de disponibilité de leurs parents qui sont trop souvent penchés sur leurs écrans. Est-ce qu’en communiquant avec nos enfants dès le plus jeune âge, en veillant à leur apprendre les termes exacts, en leur apprenant à structurer leur pensée, nous les préparerions aussi à la compréhension et à l’interprétation de textes, de consignes ? Et si, en consacrant du temps pour communiquer totalement avec les enfants dès qu’ils sont tout petits, nous leur donnions déjà les clés pour comprendre le monde et se comprendre eux-mêmes ? 

Les neurosciences et le langage 
Plasticité du cerveau 

Dans son livre sur les lois naturelles de l'enfant, Céline Alvarez[1] explique que le bébé nait précâblé ; c'est-à-dire qu'il est prédisposé à parler, à raisonner, à créer, inventer, imaginer, ressentir des émotions, les réguler. Mais, à la naissance, il n'a pas encore accès au langage, à la raison et c'est la qualité de son environnement qui conditionnera le développement de ses compétences innées. Le fait de naître ainsi non terminé avec une intelligence immature permet à l'être humain d'évoluer et de s'adapter à son environnement. Parce qu'il naît précocement, les prédispositions innées du bébé vont directement se former avec les innovations linguistiques, comportementales et culturelles réalisées avant sa naissance. Il n'a même pas à apprendre quoi que ce soit, son intelligence va directement se construire avec ![2] 

L’environnement de L'Enfant 

Selon les neurosciences, l’enfant est donc précâblé pour construire un langage élaboré. Et ce sera l'environnement langagier riche auquel l'enfant sera exposé lors de la période de formation du langage, de la naissance à trois ans, qui développera ses circuits cérébraux immatures. Une étude scientifique appelée "The Early Catastrophe"[3] démontre la puissance de l'environnement sur le développement du langage des enfants. Les chercheurs ont observé et enregistré les interactions entre des enfants et des adultes dans quarante-deux familles de milieux socio-économiques très diversifiés de Kansas City aux Etats-Unis. Les enfants ont été suivis de leurs sept mois à leurs trois ans. 86 à 98 % des mots utilisés par les enfants de trois ans venaient directement du vocabulaire de leurs parents. 

La longueur et le style des conversations s'inspiraient aussi largement de ceux de leurs parents. Les chercheurs sont arrivés aux conclusions suivantes : à l'âge de quatre ans, les enfants de milieux favorisés avaient entendu trente millions de mots de plus que ceux de milieux défavorisés. Les enfants de cette étude issus de milieux favorisés exposés à un langage soutenu avaient des quotients intellectuels bien plus élevés et ce dès l'âge de trois ans. Leurs performances scolaires s'avéraient meilleures à l'âge de neuf et dix ans. Nous savons en effet aujourd'hui que le niveau de langage oral à 3 ans prédit les capacités de lecture à 5 ans et la compréhension de textes à 8 ans, déclare Céline Alvarez. Nous avons interrogé Elisabeth, puéricultrice spécialisée en psychomotricité relationnelle et formée en langue des signes, sur son expérience de quinze années en classe d'accueil. La plupart des enfants ne parlent pas ou peu à leur arrivée, mais comprennent bien les consignes et les questions posées. Via le plan de pilotage, nous nous sommes questionnés sur la difficulté grandissante que mes collègues de primaire constataient par rapport à la compréhension à la lecture. Les consignes sont mal lues par les élèves, mal comprises et cela influe sur les résultats du CEB. Mes collègues de primaire constatent aussi que les enfants ont de moins en moins le goût de lire et que le livre subit à la maison la concurrence des écrans. A la suite de tous ces constats, j'ai mis en place cette année beaucoup d'activités pour développer les aptitudes langagières de mes élèves d'accueil. 

Je suis convaincue qu'une mauvaise acquisition du langage pourrait gêner la réussite scolaire, l'intégration sociale, altérer le développement de la personnalité et des capacités intellectuelles, engendrer un comportement agressif.[4] 

Langage positif et milieu soutenant 

Dans leur étude "The Early Catastrophe", les chercheurs ont également étudié les interactions des familles : 
– les familles favorisées ont un ratio d’affirmations positives vs négatives de 6 / 1 (32 affirmations positives contre 5 négatives par heure) 
– les famille d’ouvriers 2 / 1 (12 affirmations positives contre 7 négatives) 
– les familles défavorisées de 1 / 2 (5 affirmations positives contre 11 négatives).

Les enfants des milieux favorisés sont donc davantage exposés à des expériences positives. Ce qui, pour leur avenir, les incitera à rechercher et à assimiler des expériences nouvelles. Or, la multiplicité des expériences des enfants joue un rôle prédominant dans la maturation de leur cerveau. De la naissance à 5 ans, 700 à 1.000 nouvelles connexions se créent chaque seconde. Et c'est précisément à cette période de sa vie que l'enfant est le plus actif, le plus explorateur. Aussi, si l'adulte ne cesse de réprimer ses élans, c'est l'intelligence en train de se construire de cet enfant qui est impactée. Le cerveau se construit à partir de ce qu'il reçoit et, s'il reçoit peu, le cerveau se développera mal. Le cerveau de l'enfant ne conserve pas toutes ses connexions synaptiques[6] ; celles qui sont les moins utilisées vont s'affaiblir petit à petit et disparaître. Le cerveau ne regarde donc pas la qualité de ce qu'il va supprimer, mais la fréquence des expériences. 

Nous devons bien entendre et comprendre cela : la plasticité cérébrale de l'enfant n'est pas dotée de sens critique. Elle épouse l'environnement tel qu'il s'offre à elle, sans aucun jugement.[7] Céline Alvarez insiste sur la responsabilité de tout adulte qui vit régulièrement auprès d'un jeune enfant : Il faut donc l'entendre, qu'on le veuille ou non, ce sont toutes ces petites choses auxquelles nous ne faisons pas attention qui structurent directement et sans aucun filtre, les capacités et les comportements de nos enfants. Nos attitudes préparent les leurs. Cela doit être dit, redit et entendu. Il nous faut maintenant agir en conséquence, aussi bien à la maison qu'à l'école.[8]… 

Extrait tiré du site de l'Union Francophone des Association de Parents de l'Enseignement Catholique (UFAPEC)

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